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Théâtre et divertissement

Le Scribe a apprécié le point de vue du philosophe (et auteur de théâtre) Alain Badiou, tel qu'exprimé dans son entretien avec Nicolas Truong publié aux éditions Flammarion, collection Voltaire, 2013, sous le titre Eloge du théâtre. Voici la citation (pages 16 et 17) :

" Entendons nous sur le mot 'divertissement'.Il ne désigne nullement le rire, la joie, la farce (...) Par 'divertissement' il faut entendre ici ce qui utilise les moyens apparents du théâtre (la représentation, les décors, les acteurs, les 'répliques qui font mouche'...) pour conforter les opinions des spectateurs , qui sont évidemment les opinions dominantes. Et le propre d'une opinion dominante, c'est de dominer, réellement, l'esprit de tout le monde. Il y a un rire qui est celui de cette complicité intime avec l'ordre existant, une sorte de preuve par le rire que l'on peut toujours 'faire avec' ce qui existe, et que, finalement, n'avoir comme ressource que les clichés de l'opinion dominante n'est pas si grave. Et puis il y a un rire d'un tout autre ordre, un rire qui révèle en profondeur l'ineptie de ce que l'on nous apprend à respecter, qui dévoile la vérité cachée, à la fois ridicule et sordide, qui se trouve derrière les 'valeurs' qu'on nous présente comme les plus incontestables. La vraie comédie ne nous 'divertit' pas, elle nous met dans l'inquiétante joie d'avoir à rire de l'obscénité du réel."

Et pour parer l'inévitable accusation d'intellectualisme, voire d'élitisme, que l'on manque rarement en pareil cas de lancer à tir tendu, voici une seconde citation (pages 20 et 21) du même auteur en réponse à son interlocuteur lui reprochant de "déconsidérer un peu vite les spectacles 'populaires' (les guillemets sont de lui)".

"Je ne vois aucune raison d'appeler 'populaire' ce qui attire les foules (...) Bien entendu, nous devons tout faire pour que le plus vaste public possible (...) se presse aux fêtes du grand et vrai théâtre (...) Cela suppose, non pas du tout qu'on copie ou admire les spectacles du 'divertissement', mais qu'on déploie une figure militante du théâtre : partant de l'idée que l'action théâtrale est destinée à tout le monde (...) on a tout simplement le devoir de rallier la masse des gens au théâtre réel, au delà ou en dehors de l'opinion dominante". Badiou évoque ensuite Brel, Fred Astaire, Brassens, Devos, Chaplin, Courteline, et poursuit : " Tous (...) méritaient de leur vivant le qualificatif de 'populaire' au sens où il s'agissait de gens très connus, très vendus. Vous voyez bien du coup que ce critère ( 'populaire') ne peut donner sens à la différenciation que vous-même proposez. Vous devez inévitablement revenir à la distinction (...) entre le domaine de l'art, l'invention de formes neuves adéquates à une distance prise avec ce qui domine, et le domaine du 'divertissement', qui est une pièce constitutive de la propagande dominante. Le théâtre exige tout particulièrement qu'on active sévèrement cette distinction".

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